Sarhan a 20 ans lorsqu’il se prend une balle dans la gorge, en traversant de nuit à travers les champs la frontière thaïlandaise pour fuir la dictature Kmer Rouge. Par chance la balle ne traversera que les chaires et aucun organe vitale ne sera touché. La Thaïlande ne lui fera pas le meilleur des accueils. Il se confiera peu sur cette période mais à ses yeux qui fixent la surface de la toile cirée ce soir là je devine qu’elle n’a pas été heureuse. Il redresse la tête, un sourire se dessine à nouveau sur son visage rieur. L’ampoule nue au dessus de la grande table fait ressortir les moindres détails de son visage sans ménagement. Les rides de sagesse, les rides de vieillesse, les rides de soucis, les rides de sourires, une vie dans ces vallons de peau. L’arrivée en France, la sécurité, les études, les années d’infirmier au service  de cardiologie. Puis à cinquante ans la prise de conscience, le besoin de revenir au pays, de transmettre et d’aider. C’est ainsi qu’il forme les nouvelles forces vives du pays ayant perdu tous ses intellectuels dans les années 70; à l’hôpital de Phnom Penh. En parallèle il fonde le Refuge à Kol. Il veut accueillir les convalescents après une opération du coeur, les enfants oubliés. Le refuge, orphelinat, centre éducatif, bibliothèque, infirmerie, cabinet dentaire et lieu de convalescence animé par un petit bout d’homme dynamique, infatigable qui a eu mille vies et pas des plus faciles. Peut-être aura-t-il senti que moi aussi d’une certaine façon je souffrais un peu du coeur lorsqu’il m’a proposé de rester ici un mois en tant que professeur d’anglais. 1m70 de générosité brute, de sagesse, de joie et d’infini douceur qui fait vivre tout ce petit monde. Des rencontres comme celle-ci vous marque pour une vie. Sarhan. Merci l’univers de m’avoir permis de croiser ton chemin.