La mama du train

Dans un train hors d’âge qui nous ballotte jusqu’au rocher d’or (j’ai la sensation d’être exploratrice chez les incas à chaque fois que j’entends ce nom) ma voisine de devant est une grosse doudou. De l’or jusqu’au bout des ongles qui se veulent rouge vif elle passe son trajet à parler fort et à manger.

Elle déblatère, sur un ton convaincu et à qui veut bien l’entendre, c’est à dire à tout le wagon! Un de ces marchands ambulants, s’arrête et lui propose se qui semble être des bonbons. Sa première marchandise est une barquette contenant des bonbons, en forme de petit boudin, emballés dans du papier de soie blanc. Son deuxième produit se trouve être des sortes de galette de nougatine de 10cm de diamètre, sous vide. Le marchand tend à la mama un exemplaire de chaque pour qu’elle les examine. C’est alors que s’ensuit un étrange échange. Le produit est observé sous toutes ses coutures comme s’il s’agissait d’un diamant tombé d’une rivière! Elle rend les paquets au vendeur puis les reprend et les examine à nouveau. Elle pose des questions au marchand, qui prend alors un air pénétré et on ne peut plus sérieux pour lui répondre. Mais bon dieu que peuvent-ils bien se dire dans ce conciliabule digne d’un pourparler de paix?!

“Et alors, tes cacahuètes elles sont d’où? Tu les as torréfiées avant de les incorporer au caramel? Et le sucre il n’est pas trop bruni?…” La conversation va bon train. J’observe ce manège pendant 10 minutes, médusée sans en comprendre un traitre mot. Et que je te tripote les sachets et que je papote. L’avenir de la Syrie aurait pu se jouer là tellement les interlocuteurs au sérieux implacable ont l’air absorbés par leur sujet! La conversation se termine. La mama s’est décidée, ce n’est pas un mais dix paquets de chaque dont elle fait l’acquisition! De quoi certainement tenir un siège dans le train! S’agirait pas de perdre un bourrelet…De mon côté je suis heureuse d’assister au spectacle de la vie qui se déroule devant moi, mieux que le dernier James Bond! Quel autre secret de sécurité nationale va encore m’échapper pendant ces cinq heures de train et jusqu’à ce que je devienne polyglotte! Je ne sais…En attendant je continue à voir défiler marchands de beignets, fruits, café, chemises(!), habits pour enfant, chips, cacahuètes ou tabac à chiquer!

Et je me demande bien comment ils font tous pour se mouvoir avec tout ça sur la tête ou dans leurs bras surchargés, alors que moi, assise dans un fauteuil de première classe, j’ai la sensation de subir vivante un cycle d’essorage dans un tambour de machine à laver! Que de mystère en cette matinée!

Autres observations ferroviaires :

Les porte-manteaux ne servent pas que aux vestes mais aussi au repas! Ce sachet accroché par un homme à Yangon sera mangé par un autre 4 heures plus tard après avoir bien macéré au soleil.

Comme au Sri Lanka (coucou Céline!), on voyage ventilo à fond, fenêtre béante et porte ouverte, ça souffle! Et heureusement car il fait 35° et le soleil chauffe sur la carcasse du train.